- ITCHO (HANABUSA)
- ITCHO (HANABUSA)Hanabusa Itch 拏 est l’incarnation même de l’esprit d’une époque et son œuvre, le reflet d’une atmosphère culturelle.Avec ses contemporains Ogata K 拏rin (1658-1716) et Hishikawa Moronobu (mort vers 1694), il forme le groupe le plus significatif de l’époque Genroku (1688-1704), cet âge d’or de la culture Edo. Tous trois connurent la gloire de leur vivant et leur art exprime un même climat social et culturel: montée d’une bourgeoisie économiquement puissante, épanouissement d’une culture originale, citadine et d’inspiration populaire, mécénat d’une élite bourgeoise qui se substitue à l’aristocratie. Mais chacun d’eux représente un courant différent: K 拏rin interprète magistralement la grande peinture décorative, Moronobu fonde le courant populaire de l’Ukiyo-e ; Itch 拏, quant à lui, rénove la tradition académique par un art plein d’esprit et en reprenant des thèmes populaires.Mais alors que K 拏rin et Moronobu n’ont cessé d’être appréciés, tant au Japon qu’en Occident, l’œuvre d’Itch 拏 a subi un déclin d’intérêt. L’éclipse actuelle d’un artiste aussi talentueux est uniquement due, semble-t-il, au fait que son œuvre est trop conditionnée par l’esprit de son temps et que sa verve a un caractère trop national pour se faire priser à sa juste valeur à l’étranger.D’une formation traditionaliste à un art personnelNé à 牢saka, fils de médecin, Itch 拏 vint s’installer à Edo, avec sa famille, à l’âge de quinze ans. Il entra très tôt dans l’atelier de Kan 拏 Yusunobu (1613-1685), le jeune frère de l’illustre Tany . Mais il manifesta tout de suite un caractère non conformiste, son tempérament artistique regimba aux conventions de l’école et son indépendance d’esprit le brouilla rapidement avec son maître. Considéré dès lors comme un renégat de l’école Kan 拏, il poursuivit sa carrière à sa guise. À en juger par certaines de ses œuvres, il étudia le style de l’école Tosa, s’intéressa aux mouvements chinois, mais son passage dans l’atelier des Kan 拏 l’avait marqué fortement. En réaction toujours plus nette contre l’académisme, son style prit une allure autonome, s’imprégna de poésie et plus volontiers d’humour. En fait, son art est moins une synthèse de diverses tendances picturales qu’un certain reflet des milieux bourgeois de l’ère Genroku, exprimant liberté d’esprit et raffinement culturel.Itch 拏 réalisa de grandes compositions, mais on le sent plus à l’aise dans des œuvres plutôt restreintes, où se donnent libre cours sa fantaisie et son humour. S’il maîtrise incontestablement le paysage, il excelle surtout dans les scènes de la vie quotidienne et les tableaux populaires. Son absence d’emphase et d’académisme, lorsqu’il traite de sujets traditionnels, son ton quelque peu sophistiqué et sa grande distinction dans les sujets populaires assurèrent son succès auprès de l’élite bourgeoise, à qui s’adressait son œuvre.Mais cet esprit bohème et volontiers frondeur, qu’il partageait avec l’intelligentsia d’Edo, indisposa les dirigeants du pays, soucieux d’asseoir leur autorité par un régime policier et d’étouffer tout foyer d’opposition, fût-il purement intellectuel. Une allusion fort irrévérencieuse au sh 拏gun de l’époque, dans une de ses peintures, lui valut l’exil en 1697. Touché en pleine gloire, relégué dans l’île de Miyake-shima, Itch 拏 ressentit cruellement cet éloignement d’Edo, en citadin et habitué qu’il était des cercles artistiques et littéraires. Il obtint cependant un privilège rare pour un exilé: continuer à peindre et à faire vendre ses œuvres à Edo. Aussi l’exil ne fut-il pas pour lui le temps de l’oubli; ses peintures, envoyées régulièrement, entretinrent chez ses contemporains un intérêt passionné pour ses recherches.Après la société brillante de la grande ville, il n’avait à Miyake que la seule compagnie des paysans et des pêcheurs. Il y gagna d’étudier de près la vie simple de ce petit peuple et de retransmettre cette expérience quotidienne avec une profonde humanité, sans complaisance pourtant, dans un style d’une simplicité raffinée, où affleure souvent son esprit ironique, mais dénué de toute méchanceté.Relevé de sa peine en 1709, il regagna Edo et prit alors le nom de Hanabusa Itch 拏. Si du moins on en juge par les œuvres qui subsistent, ce fut la période la plus active de sa carrière. Son art se fit toujours plus subtil, s’engagea davantage dans la sophistication. Il fonda bientôt une école où il enseignait sa technique, en même temps qu’il y montrait sa fantaisie et son goût de la libre création.Jusqu’à sa mort, la gloire lui fut fidèle: c’est le fait autant de son esprit que de sa peinture.Sens d’une œuvreArtiste brillant et généralement adulé, Itch 拏 n’en travailla pas moins avec persévérance à perfectionner sa technique et à trouver une expression toujours plus personnelle. Il y a de la poésie dans son œuvre – il fut l’ami du poète Bash 拏, l’innovateur du haikai (poème de dix-sept syllabes), et poète lui-même –, mais surtout il y court un humour subtil. Cependant, la verve et la satire ne nuisent jamais à la beauté intrinsèque de l’œuvre, ni à la sureté de la facture, et l’extraordinaire vivacité de la touche lui évite tout aspect caricatural.Itch 拏 exprime par son œuvre tout un courant sous-jacent de la peinture japonaise, longtemps freiné par l’académisme, mais qui se devine dès la période Nara. Ce sens particulier de l’humour trouve enfin avec lui un de ses plus beaux interprètes et des plus raffinés.
Encyclopédie Universelle. 2012.